À première vue, c’est de l’eau ; à y regarder de plus près, c’est un monde.

Baudin ne peint pas avec l’eau : il peint dans l’eau, avec l’eau, contre l’eau. Sa technique — qu’il nomme lui-même Aquapictura — tient autant de la méditation orientale que de l’expérimentation plastique. Les pigments, déposés, dilués, soufflés, parfois contraints, parfois laissés libres, se meuvent dans des flux imprévisibles. Le papier absorbe, repousse, dialogue avec la fluidité des éléments. Loin du geste affirmé du pinceau, c’est ici le regard qui guide, le souffle qui oriente, la patience qui façonne. Il ne s’agit pas de contrôler, mais de composer avec le vivant.

À travers cette approche, Baudin réinvente un rapport au temps pictural. L’acte de peindre devient un processus organique, lent, presque respiratoire. Chaque œuvre naît d’un équilibre instable entre maîtrise et abandon, entre intention et accident. Les formes évoquent parfois des paysages intérieurs, des cartographies d’émotions, des strates géologiques du rêve. On pense à certains encres de Michaux, aux lavis de Zao Wou-Ki, mais la filiation s’arrête là : Baudin ouvre une voie propre.

Il y a dans cette peinture une douceur radicale. Un refus du spectaculaire, au profit du sensible. Une humilité face à la matière. En cela, Aquapictura résonne profondément avec notre époque : elle nous invite à ralentir, à contempler, à renouer avec la part liquide de notre perception. Dans ce monde saturé d’images nettes, d’opinions tranchées, l’œuvre de Baudin murmure. Et ce murmure, paradoxalement, devient cri d’authenticité.

Christophe Baudin ne peint pas la mer, il en épouse la mémoire. Il ne représente pas la pluie, il en suggère le silence. Il ne fixe rien : il révèle.